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Madame B. et autres histoires - suite

 

Madame eut 90 ans et celle qui l'avait prise en charge 80. Un jour Madame me dit : « Si l'une d'entre nous meurt, je donnerai ma maison! ». Et ce fut effectivement ainsi, la plus jeune est morte la première. Madame resta toujours « Madame » et voulut toujours se faire servir. Pour moi ce n'était pas un travail facile.

Un jour, les deux femmes vivaient encore, je vins pour les soins. Elles se disputaient. Il n'y avait pas de WC dans la maison, juste une chaise avec toilettes pour les deux femmes. Les deux femmes avaient besoin, à ce moment-là, des toilettes en même temps. Madame, bien sûr, dans son droit, selon elle, voulut être la première. La dame de 80 ans ne put retenir la pression et se fit dessus. Pour s'excuser elle me dit : « Madame veut toujours être la première, même pour chier ! voilà pourquoi cela m'est arrivé j'espère que cela portera bonheur ! ».

Madame était déjà un peu vacillante sur sa chaise-toilettes, elle voulut se raccrocher à ses draps ; Madame tomba avec son seau , ses draps et se roula dans ses excréments comme une momie. Devant ce cadeau, j'ai failli me trouver mal car, avec la momie, aucune huile parfumée n'était proposée ! La dame de 80 ans était très dévote ; chaque soir elle disait son chapelet.

Je venais chaque jour chez les deux personnes pour les habiller le matin et les déshabiller le soir. Un soir, j'étais sur le pas de la porte quand j'ai entendu une canonnade d'injures venant de la cuisine. Pour éviter cette querelle, je ne voulais pas entrer. Mais j'étais trop fatiguée pour refaire encore le chemin. Je pris mon courage à deux mains et je frappai à la porte de la cuisine. J'entendis un gentil « entrez ». Quelle ne fut pas ma surprise lorsque je suis entrée, ma patiente était seule ! Je lui demandai ce qu'il se passait. Elle me répondit qu'elle priait avec son chapelet. Jamais je n'ai entendu prier avec un chapelet de cette manière ! Les prières étaient issues des injures et des expressions les plus grossières du langage paysan.

MADAME H. Madame H. était une parisienne de 80 ans. Malgré son grand âge, elle avait toujours un très grand appétit amoureux, comme une chatte en chaleur.

Madame H. pensait que dans le cadre de mon travail, je devais avoir des dispositions pour ces jeux- là et que lui procurer de la documentation sur l'amour entre femmes. J'ai bien entendu refusé sa proposition et j'ai essayé de lui expliquer que je n'étais compétente que pour les soins aux personnes âgées.

Dans le village, les manières de notre parisienne étaient suffisamment connues. Aucun homme ne pouvait ignorer ses propositions sans équivoque. C'est pourquoi personne du village ne voulait avoir à faire avec elle.

Mon mari, surtout, qui ne refusait jamais de rendre service, ne voulait pas entrer dans sa maison. Il pensait qu'à 50 ans, il n'avait plus besoin d'éducation sexuelle. Il me disait : « Je veux bien faire les courses mais les affaires de la vielle garce. tu peux lui porter toi-même ! »

Malgré tous ces ennuis, c'était la même chose tous les matins avec Madame H.. Régulièrement, la nuit, elle rêvait de son mari défunt. En rêve, elle revivait l'accomplissement de l'acte d'amour avec son époux. Aussi, chaque matin, « C'était sublime ce que j'ai révé cette nuit, mais ce matin c'est ceinture ! ». c'était une terrible désillusion quand elle était confronté avec la réalité.

Jamais, auparavant, je n'avais connu de personne en proie a une passion sexuelle aussi exacerbé.

Madame H. mourut à l'âge de 86 ans après une courte maladie toujours possédée par l'amour.

Peut-être que Saint Pierre ne se plaint pas de ses souhaits anormaux. Je pense cependant qu'elle ne traversa pas la porte du Paradis parce qu'elle ne croyait pas en Dieu.

MADEMOISELLE O.

L'emploi suivant fut chez Mademoiselle O.. Elle avait 80 ans et était une personne formidable. Mademoiselle O. avait appris la couture à PARIS et travaillait chez des personnes de la haute société. Malgré cela, elle n'obtint qu'une petite pension.

Mademoiselle O. était aimée pour sa bonté et sa serviabilité. En sa compagnie, j'ai beaucoup appris sur I'histoire de la contrée. Le père de Mademoiselle O. avait été nommé douanier dans ce département. Orphelin, il a été engagé dans l'armée à l'âge de 14 ans. Entrer au service de la patrie était obligatoire à cette époque-là pour les orphelins. Après 8 ans, ils pouvaient obtenir un travail d'employé à la poste ou à la douane.

Dans l'estuaire de la Gironde, autrefois, on retirait du sel. Un impôt spécial devait être perçu. Il fut mis en place en 1340 sous Philippe IV. La perception correcte revint aux douanes. Autrefois, l'imposition sur le sel faisait 1-'objet d'un marché noir et la taxe n'était pas totalement versée. En 1675, le marché noir fut considéré comme acte criminel puni par la loi.

Pour endiguer ce marché noir, l'état réclama à chaque personne la taxe sur la vente de 1 lkg3/4de sel. En Bretagne, il y eut beaucoup de désordres. Finalement, 6000 soldats firent face à 7000 insurgés.

En Gironde, tout resta tranquille. En plus de l'impôt sur le sel, l'état français prélevait le timbre sur les bicyclettes. Pour notre plus grande joie cette taxe fut supprimée en 1952.

Il n'y a plus de marais salants dans notre région. Les bassins sont utilisés pour l'élevage des gambas. Ce sont des crevettes qui peuvent atteindre 10 cm, considérées comme des délicatesses. L'estuaire de la Gironde est un paradis pour de nombreuses sortes de poissons et le berceau de la pêche aux huîtres.

Lors des grandes marées de Pâques à septembre, pendant 8 jours, il était possible de ramasser des petites huîtres. Les huîtres étaient connues depuis 1200. Sur un lieux parchemin, il est écrit que les moines du cloître de Soulac avaient le droit de pêcher 2 tonneaux d'huîtres à chaque marée.

Sur le banc de sable découvert à marée basse, les huîtres apparaissaient sur des pierres ou autres matières dures. Détacher les huîtres de leur support n'était pas un travail facile. Il fallait un crochet avec 2 pointes et un couteau à huîtres. C'était une pièce de fer triangulaire sur un manche en bois de 15 cm. Les coquilles d'huitres en nacre sont coupantes et peuvent provoquer des plaies profondes qui guérissent mal.

LE DUC DE LUSSAC

Les grands-parents de Mademoiselle O. étaient employés au château MERIC. Le Duc avait besoin de 300 personnes pour les vendanges. Le noble a survécu à la révolution française, bien qu'il ait été dénoncé les derniers jours. On lui reprochait d'avoir caché un prêtre. Le reproche ne put être vérifié. Le duc eut de la chance, il put sauver sa tête. La fille du duc se maria avec le duc de ROUEN. De cette union naquirent 3 filles qui en ces temps difficiles pauvres et sans descendant. Il a été question d'une diffamation de la famille BERT de LISTRAN. Les BERT étaient venus en Gironde avec la famille GARRY dans les années 1640-1650 pour assécher les marais selon la technique hollandaise.

DEVELOPPEMENT DES LANDES SOUS LE DUC D'EPERNON

Louis XIV était roi de France. Né en 1643, il fut sur le trône à l'âge de 5 ans. Son règne dura 72 ans.

Il mourut en 1715. Durant la deuxième partie de sa vie, le roi fut entièrement sous l'influence de son épouse Madame MAINTENON. Son ministre des finances s'appelait COLBERT( 1662-1683). COLBERT possédait le duché de LESPARRE entouré par des marais et inondé Iliiver. COLBERT vendit son duché au Duc DEPERNON.

Le Duc DEPERNON permit le drainage des LANDES en allant chercher des Hollandais pour assécher les marais. Ainsi chaque fossé de LOIRAC fut crée afïn que l'eau puisse être remise à la GIRONDE.

Ainsi le Duc DEPERNON hérita vraiment du domaine de la Dame Jeanne de COMESSAC. Les terres asséchés furent appelées polders comme en Hollande. Les propriétaires durent payer des impôts pour ces terres si utiles.

Avec ces impôts, la surveillance des écluses, des canaux et des fossés d'assèchement fut payée.

Le surveillant des canaux devait sûrement recevoir un pourcentage de cette taxe. Les ouvriers qui travaillaient sur le chantier étaient payés « à la brasse ». Certains , avec cette somme purent acheter une petite propriété (brasserie). Les plus connus de cette époque furent issus des familles BERT et GARRY. La famille GARRY n'a plus de descendant maintenant. J'ai connu personnellement la dernière personne qui appartenait à cette famille. C'était une personne très âgée, pratiquement 100ans, qui est décédée en 1977.

La famille BERT a acquis au fil des années de nombreux domaines. Une branche de la famille était propriétaire à côté du domaine de LOIRAC ainsi qu'au BROUSTERA. Les propriétés furent ensuite vendues. Les héritiers . en vérité, sont à présent appauvris, il ne reste plus grand chose de tous ces grands domaines. Ainsi, on voit que la roue tourne, même pour les grandes familles.